[Critique] Underwater : La survie abyssale
[Critique] Underwater : La survie abyssale
Dès lors qu’un film confronte des êtres humains à une créature hostile dans un huis-clos relatif, il ne peut se défaire de la comparaison avec le maître du genre : Alien de Ridley Scott. Le petit dernier s’intitule Underwater et troque le vide spatial pour les profondeurs aquatiques insondables. Il se déroule dans une station sous-marine bâtie par Tian Enterprises, une entreprise énergétique. Ces gigantesques infrastructures assurent le bon fonctionnement d’imposantes foreuses perforant les fonds marins pour générer de l’électricité. Norah Price et ses collègues de la station Kepler 822 s’élancent dans une course jusqu’aux capsules de survie afin de remonter à la surface alors que la structure s’effondre à cause d’un supposé tremblement de terre.
Comme Life de Daniel Espinosa, le long-métrage réalisé par William Eubank laisse d’abord penser, par sa bande-annonce, que le spectateur s’apprête à découvrir un clone d’Alien ponctué de jump scares plus prononcés.
Les deux films partagent d’autres similarités intéressantes : ils ont tous les deux été réalisés par des cinéastes peu connus, quand bien même Espinosa se charge actuellement du film Morbius, et ne font partie d’aucune franchise. De plus, les deux longs-métrages parviennent à se détacher rapidement de l’étiquette de copie du Huitième passager qui pourrait leur être affublé par des détracteurs et ce, de différentes manières. Le film porté par Ryan Reynolds, Jake Gyllenhaal et Rebecca Ferguson adopte une posture plus frontale dans l’affrontement entre les survivants et la créature, il les confronte plus directement et plus souvent au monstre.
A contrario, Kristen Stewart et le reste de ses acolytes d’Underwater s’avèrent plus passifs face à la menace que dans le film de Ridley Scott. Chez Eubank, le motif de l’implosion règne en maître. Le risque d’être englouti et submergé surgit à chaque attaque, à chaque dysfonctionnement, minant à chaque fois un peu plus le moral des employés de Tian Enterprises laissés à l’abandon et, par extension, leur espoir de remonter à la surface.
Les créatures à leurs trousses apparaissent distinctement plus souvent que le Xénomorphe. Pourtant, elles paraissent paradoxalement plus effacées à cause de leur mode de vie nocturne mais aussi par leur design bien moins inspiré que la création de H.R. Giger. Néanmoins, William Eubank insuffle une imagerie lovecraftienne dans la dernière partie de son film, de manière surprenante mais cohérente avec son message écologiste aussi peu subtil que dans le Godzilla de Gareth Edwards.
La fatalité plane davantage dans la diégèse du long-métrage. Même si Norah est mise en valeur par des moments de bravoure, ces derniers finissent souvent contrariés. Le géant inspiré de Cthulhu incarne cette notion et relève le niveau d’inspiration visuelle des monstres. Pour un film conçu autour du prisme de la claustrophobie, les survivants se déplacent souvent sur de longues distances dans les fonds marins pour accéder d’une base à une autre dans l’espoir de trouver un moyen de se sauver. La menace qui rôde autour d’eux et l’obscurité omniprésente des extérieurs aquatiques contribuent à l’angoisse inhérente à l’avancée désespérée de l’équipage. A une moindre échelle, les abysses livrent les rescapés à eux-mêmes comme l’étaient les passagers de l’astronef Nostromo avant eux au cœur du vide spatial.
La peur d’Underwater provient principalement de la surprise provoquée par ses jump scares et par l’aspect belliqueux des créatures, le tout appuyé par l’ambiance crépusculaire réellement aboutie du gouffre. Pour autant, le film s’apparente davantage à un substitut de Dead Space à l’effroi atténué qu’à un énième film d’horreur générique gavé de screamers. La comparaison vidéoludique tient aussi à l’aspect hybride des scènes en dehors des structures industrielles. Les parties sous l’eau immergent efficacement le spectateur dans l’immensité ténébreuse des abysses tout en possédant un aspect irréel qui se manifeste notamment dans les déplacements des personnages et, surtout, dans les plans subjectifs logés dans leurs scaphandres. Cette étrangeté confère à ces passages un aspect très vidéoludique rappelant le jeu développé par Visceral Games ou Alien Swarm, opposant lui aussi des humains en combinaison à des créatures repoussantes et mortellement menaçantes.
Les ralentis se présentent aussi comme une autre spécificité de la mise en scène d’Eubank. Déployés à plusieurs reprises dans le film, ils témoignent d’une telle maîtrise qu’ils donnent à voir les moindres détails de l’image comme les visages mais aussi et surtout les particules aquatiques ou rattachées à des explosions.
Norah, le personnage incarné par Kristen Stewart, l’ex-Bella de la saga Twilight apparue par la suite dans American Ultra ou Café Society, rejoint la Ripley de Sigourney Weaver sur bien des aspects : une même détermination à survivre quitte à affronter directement la menace au péril de sa propre vie, un sens du sacrifice découlant d’une prédisposition de leader similaire pour deux héroïnes badass avec une efficacité plus ou moins prononcée. Elles partagent aussi une apparence androgyne estompant leur genre et les stéréotypes qui peuvent lui être reliés pour permettre aux personnages de n’être jugés que sur leurs actions, sur leur capacité à agir pour résister.
Vincent Cassel impressionne par sa maîtrise de l’anglais dans son rôle de capitaine désabusé. Si des bribes du passé de son personnage, le capitaine Lucien, sont disséminés dans le film, elles passent si inaperçues qu’il ne devient jamais vraiment intéressant. T.J. Miller, lui, incarne un comique aux multiples références culturelles telles que Slender Man, Alice aux pays des merveilles ou Vingt Mille Lieues sous les mers, à l’instar de son camarade Wade Wilson dans Deadpool, justement incarné par le même Ryan Reynolds qui apparaît aussi dans Life.
Le constat s’esquisse rapidement après la succincte description des personnages principaux, ils manquent cruellement de singularité. Si Norah parvient brièvement à imiter l’éclat de son modèle, le reste de ses coéquipiers se contentent d’incarner des caractères éculés.
William Eubank, qui a écrit et réalisé deux autres films passés inaperçus avant celui-ci, propose avec Underwater une traversée confinée, un huis clos abyssal imparfait mais captivant. A travers ce postulat paradoxal, les personnages se meuvent avec crainte dans une zone sombre et inhospitalière, terrifiés par la destruction de la station Kepler 822 et par la menace des créatures tapies dans l’ombre qui l’ont causée. L’aspect technologique visuellement réussi du film, combinant les fonds marins avec des bâtiments colossaux créés par la main de l’Homme, laisse rêveur quant à un long-métrage Bioshock réalisé par ce cinéaste ! La disparité visuelle qui apparaît lors des phases de déplacements en combinaison sous-marine reste minime et apporte finalement une réelle identité à ces passages.
Les personnages calquent leur personnalité sur des stéréotypes notamment hérités d’Alien et ne laissent pas un souvenir mémorable. L’être malfaisant qui se détache graphiquement du reste des créatures marque bien davantage les esprits. De plus, ce monstre conglomère en son sein les grands thèmes du film en personnifiant la morale environnementaliste et la notion de fatalité qui le parcourent. Sans révolutionner le genre dans lequel il opère, Eubank y compose un long-métrage honnête et prenant à l’aide d’inspirations diverses puisées de manière maîtrisée.
L’exercice de la critique cinématographique me manquait, j’espère que ce retour sur Underwater vous aura intéressé, peut-être même au point de lui laisser une chance ! Sur ce, je vous dis à bientôt pour de nouveaux articles !