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[Interview] Vincent Brard : Le faiseur aux perles

[Interview] Vincent Brard : Le faiseur aux perles

Kaisuke : Bonjour Vincent ! Avant de commencer, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions !

Vincent : Merci à toi de t’intéresser à mon travail !

Pour commencer, pourrais-tu te présenter brièvement ?

Vincent : Vincent, 40 ans, Vendéen depuis toujours et Tourangeau d’adoption. Amateur d’arts graphiques sous différentes formes et styles.

Depuis combien de temps lis-tu des comics ? Avec quelle lecture as-tu commencé à te plonger dans cet univers ?

Vincent : En 2017, nous sommes allés au Comic Con à Paris avec mon fils aîné. Il était devenu lecteur de comics et avait abandonné la lecture de mangas depuis un an environ. On s’apprêtait à repartir mais avant ce départ, nous nous sommes arrêtés sur le stand de Bliss Comics. Mon fils a commencé à discuter avec Florent Degletagne, le créateur de la maison d’édition. Il lui a présenté l’univers Valiant qu’on ne connaissait alors pas. Il était si passionné et convaincant dans ses explications qu’on a acheté 2 comics : Faith et Ivar the Timewalker. Moi je ne lisais que des mangas mais, à cause, ou, plutôt, grâce à mon fils aîné et Florent Degletagne, maintenant je lis du comics, essentiellement le catalogue Valiant et des titres indépendants ainsi que peu de mangas désormais. Je reste toutefois un grand fan de Naoki Urasawa ! Mon premier comics a logiquement été le premier tome de Faith.

Même si tes lectures ne s’arrêtent pas au catalogue Bliss Comics, il suffit de faire un tour sur tes publications pour comprendre que les aventures des héros Valiant semblent particulièrement t’intéresser. Y a-t-il une raison particulière à cet intérêt notoire ?

Vincent : J’ai immédiatement accroché à cet univers alors que Marvel et DC ne m’ont jamais attiré. Le côté mature de Valiant a suscité mon intérêt, notamment dans la double lecture qu’on peut avoir sur certains titres comme Harbinger ou XO-Manowar. De plus, j’ai commencé à lire du Valiant en 2017, c’est-à-dire au début des publications par Bliss. Il m’était facile de rentrer dans cet univers à l’inverse des deux mastodontes DC et Marvel avec lesquels je n’ai jamais su par quel bout commencer et où tout me semblait complexe pour un nouveau lecteur. 

En général, quels sont tes auteurs de comics préférés ?

Vincent : Je n’ai pas d’auteur préféré à proprement parler. Cependant, il y a des gens avec lesquels je sais que je ne serais pas déçu comme Joshua Dysart, Matt Kindt ou Robert Venditti !

Kaisuke : Que des artistes de l’écurie Valiant si je comprends bien… :p

Si tu ne devais en garder qu’un, quel serait ton comics de cœur, celui que tu pourrais relire encore et encore ?

Vincent : Impossible pour moi de répondre à cette question. J’ai adoré la trilogie Harbinger / Imperium / Vie et Mort de Toyo Harada ainsi que tout le run Bloodshot de Jeff Lemire. En indépendant je suis grand fan de Fables ou du génial Punk Rock Jesus. Et puis je ne peux pas oublier Maus d’Art Spiegelman.

Bien que les comics semblent avoir pris le pas sur les mangas, y en a-t-il que tu suis assidûment ? 

Vincent : Plus vraiment maintenant à l’exception de l’œuvre de Naoki Urasawa. A une époque, j’allais acheter tous les 2 mois Captain Tsubasa. J’aimais aussi beaucoup les mangas historiques comme Cesare de Fuyumi Soryo, Ad Astra de Mihachi Kagano ou Pline de Mari Yamazaki. J’aimais aussi beaucoup les titres de Tetsuya Tsutsui ainsi que les travaux de Go Nagai bien sûr grâce aux éditions Black Box. Et les Kimengumi ; Le Collège fou, fou, fou chez nous ! Il y a aussi Death Note que j’avais adoré. Après il est vrai que j’aimais énormément les mangas « nostalgiques » de chez Black Box.

Kaisuke : On ressent cet amour passé et ta passion pour les mangas rien qu’avec ta réponse pour le moins exhaustive !

Quel est ton manga préféré justement ?

Vincent : 21st Century Boys, Monster et Pluto, tous de Naoki Urasawa.

Ton mangaka favori ?

Vincent : Sans hésitations possible, et tu l’auras compris : Naoki Urasawa ! L’expo qui lui était consacré à Angoulême il y a 2 ans était incroyable !

D’où t’es venu le goût des Hama Beads (perles chauffantes) ? Comment en es-tu venu à mélanger ces deux passions ?

Vincent : Le hasard ! En décembre 2018 lors des vacances scolaires de Noël, mon plus jeune fils s’amusait à faire des créations en perles Hama comme les enfants de son âge. Il prenait les modèles sur Internet de personnages de Dragon Ball ou issus des univers de Mario, de Link puis les refaisait. Et là, il me dit qu’il veut me faire une réalisation Valiant mais qu’il n’en trouvait pas. Je me souvenais avoir vu dans les bonus de l’intégrale XO-Manowar de Bliss une cover façon Tetris. Il a donc commencé à la faire puis il m’a dit qu’il n’y arrivait pas, qu’il fallait que je l’aide. Ce que j’ai fait… et depuis je ne m’arrête plus.

Kaisuke : C’est bizarre, la couverture dont tu parles et sa recréation par tes soins me dit quelque chose…

Et d’un point de vue matériel, de quoi as-tu besoin en moyenne pour une de tes créations ?

Vincent : Des perles bien sûr et des plaques de support pour la création. Ensuite un fer à repasser et du papier sulfurisé pour faire la soudure des perles.

A combien cela te revient-il financièrement parlant ?

Vincent : De prime abord, un paquet ne semble pas spécialement cher car pour des perles de couleurs « classiques », il coûte entre 2 et 2,50 € pour 1000 perles. Par contre, pour des couleurs plus atypiques, comme du doré, de l’argent ou des perles phosphorescentes, c’est beaucoup plus cher. Heureusement, je n’en utilise que rarement. Ensuite, dis-toi que la majorité de mes réalisations font entre 20 000 et 30 000 perles donc la facture grimpe vite. De plus, il faut aussi changer les plaques de support de temps en temps pour ne pas trop les user.

Personnellement, je n’utilise que des perles de la marque Hama car ce sont les plus faciles à trouver en France. Néanmoins, ce choix complexifie la création puisque le choix de couleurs est extrêmement limite. C’est aussi ce qui me plaît dans mes projets, la débrouillardise requise pour essayer de trouver une solution afin d’obtenir quand même le rendu final soit le plus fidèle possible.

Parlons désormais de tes œuvres plus en détails ! Quelle a été ta première création ?

Vincent : La XO-Manowar de Donovan Santiago façon Tetris.

Kaisuke : Ah mais tu veux dire celle que j’ai la chance de gagner à ton concours ? Oui, j’essaye de rendre jaloux nos lecteurs ! :p

Qu’elle est celle qui t’a pris le plus de temps ?

Vincent : La cover en 3D d’Archer & Armstrong de Matthew Waite. Elle a nécessité 75h de travail pour 74000 perles.

Et en moyenne, combien passes-tu de temps sur une réalisation ?

Vincent : Sur une dimension « standard » d’environ 20.000 perles, il faut compter entre 20 et 30 heures suivant la complexité de la cover.

Enfin, quelle est celle dont tu es le plus fier ?

Vincent : Je ne sais pas car chaque création a son histoire.

La Archer & Armstrong en 3D pour ses dimensions hors normes.

La XO-Manowar de Phil Jimenez car je trouve le dessin original magnifique et que ma reproduction était tombée alors qu’il ne restait que le titre à faire. Pour rendre ça plus concret, imagine 8000 perles par terre, en sachant qu’il s’agit d’une des covers les plus dures à faire que j’ai pu réaliser.

Une photo du drame.

Ma recréation de Ninja-K car j’adore pour tous les détails.

Vie et Mort de Toyo Harada car c’est une de celles qui a eu le plus de retours positifs et avec laquelle David Baron a remarqué mon travail.

La Punk Mambo pour le groupe de heavy metal A Sound of Thunder car j’adore ce personnage, ce style de dessin et le metal. En plus, ce groupe chante beaucoup de chansons sur l’univers Valiant donc tout est lié !

Et puis la TMNT avec cette lune phosphorescente dans le noir…

Bref, chaque réalisation a une histoire particulière pour moi et je les aime toutes pour des raisons différentes.

Kaisuke : Ce que je comprends tout à fait, d’autant plus grâce à la passion qui émane de tes œuvres et même de tes explications !

Qu’est-ce qu’a pu t’apporter le fait de partager tes œuvres avec d’autres passionnés sur les réseaux sociaux ?

Vincent : Le fait de faire cette interview ! ^^

Kaisuke : Tout le plaisir est pour moi voyons !

Vincent : Plus sérieusement, je ne me rends pas bien compte. Ça n’a rien changé dans mon quotidien même si les retours positifs des fans de Valiant sont toujours agréables et bienveillants. Et puis il y a surtout Bliss Editions et Valiant, du moins je l’espère, qui apprécient mon travail et me le font remarquer en partageant régulièrement mes publications.

Et puis il y a aussi les échanges avec la fanbase Valiant. De belles rencontres avec eux ont même eu lieu, certaines au travers des réseaux sociaux et d’autres lors du Comic Con.

Y a-t-il un “fait d’armes” dont tu te souviens particulièrement (le retour d’un des artistes dont tu as reproduit le travail en perle, les félicitations d’une personnalité que tu admires) ?

Vincent : Il y a plusieurs personnes dont le soutien me touche particulièrement et ce, pour différentes raisons :

La confiance de Florent [Degletagne] et Célia [Joseph] chez Bliss. Ils m’ont toujours laissé faire sans me mettre des bâtons dans les roues. Quand j’ai commencé, j’ai eu peur qu’ils n’apprécient pas mes recréations ou bien même qu’ils refusent que je fasse ça. Au final, c’est tout l’inverse ! Ils partagent régulièrement mes créations, m’encouragent et me félicitent… C’est quand même vachement cool quand tu as un retour positif de l’éditeur.

Valiant pour les mêmes raisons que Bliss.

David Baron pour ses conseils avisés et sa patience avec moi ! ^^ Il m’encourage et apprécie ce que je fais. Il pense toujours que ma réalisation de sa cover de Bloodshot est mieux que la sienne… C’est lui qui a du talent, pas moi !

Matthew Waite qui a suivi la création de Archer & Armstrong en 3D et qui me prenait pour un fou !

Ryan A. Winn est aussi quelqu’un qui m’encourage régulièrement et en plus j’adore son travail d’encreur, notamment sur Divinity. C’est énorme ce qu’il a fait sur le titre !

Il y a aussi la rencontre avec Joshua Dysart et Cafu au Comic Con en 2019. Ils m’ont fait l’honneur de signer ma cover de Vie et Mort de Toyo Harada.

Un grand moment pour moi, tu ne peux même pas t’imaginer à quel point j’étais intimidé. Et puis leurs sourires sur leurs visages lorsque j’ai montré la cover, ça a été un pur kiff pour moi !

Phil Jimenez qui a su, comme David Baron, me motiver à reprendre la cover de XO-Manowar après sa malencontreuse chute qui m’a sapé le moral au point de quasiment arrêter cette reproduction de colère !

Zander Cannon, un mec super cool et tellement gentil. J’étais tellement heureux pour mon fils d’avoir pu faire dédicacer une de ses créations au Comic Con.

Enfin, le Commis des Comics pour avoir montré mon travail dans l’un de ses JT.

Ta passion s’avère si intense qu’elle semble avoir contaminé ton fils ! S’est-il intéressé de lui-même à tes créations ou lui as-tu proposé de s’y essayer ?

Vincent : Lui faisait des petites réalisations comme tous les enfants de cet âge, du haut de ses 8 ans. Mais depuis que je m’y suis mis, il voit les choses en grand. Je suis super fier de ses réalisations sur Kaijumax. En plus, Zander Cannon lui a dédicacé sa réalisation au Comic Con et l’a partagée sur les réseaux sociaux, ce qui lui a fait extrêmement plaisir !

Pour mon fils l’approche est un peu différente : Alors que je n’utilise pas d’exemples pour mes créations, je lui fais un modèle avec des dimensions raisonnables et je lui apprends la technique à employer, comment organiser et vérifier son travail. Et oui, il y a de la technicité !

Quels sont tes prochains projets ? Ton fils a-t-il lui aussi de nouvelles idées derrière la tête ?

Vincent : J’espère avant tout pouvoir montrer mes réalisations lors de conventions. De me dire que les gens peuvent être intéressés par mes créations et qu’ils les trouvent ça beau suffit à satisfaire mon ego. Dès lors que tu montres publiquement ce que tu fais, tu flattes ton ego de toute façon, non ?

Kaisuke : Je ne saurais répondre à cette question existentielle mais je pense que tu es dans le vrai !

Vincent : En terme de création, il y a un truc que j’ai en en tête depuis des mois mais il y a un point technique que je ne sais pas encore comment résoudre. J’y réfléchis régulièrement mais je reste dans le doute. Je crois qu’un jour, je démarrerai cette réalisation même si je ne sais pas comment passer cet obstacle et, une fois la tête dans le guidon, je serai bien obligé de relever ce défi.

Kaisuke : C’est une courageuse mentalité que je salue ! J’espère que tu parviendras à mener haut la main ce challenge !

Vincent : Mon fils lui veut faire un nouveau Kaiju mais il attend que je lui prépare le modèle. Il veut également faire des réalisations à partir de mangas.

L’idée de suivre l’exemple de ton fils et de reproduire des couvertures de mangas t’intéresse-t-elle ?

Vincent : Pas pour l’instant pour une simple et bonne raison : je trouve que les covers de mangas sont moins intéressantes à refaire. Après, il y a la possibilité de faire des personnages, ce que beaucoup de gens font et c’est tant mieux car ça permet de populariser cette passion, mais je n’y retrouve pas mon compte. Souvent, tu fais le contour en noir puis après c’est un aplat de couleurs. J’ai l’impression que ça manque de détails. Mais comme je n’en n’ai jamais fait, peut-être que je me trompe. Moi ce qui m’intéresse c’est la complexité, trouver la solution à un problème, comment le contourner. C’est pour ça par exemple que je n’utilise que la marque de perles Hama car le choix des couleurs est extrêmement limité par rapport aux autres marques. Pour en revenir aux covers de mangas, je ne m’interdis rien car je sais qu’un jour je referais un truc de Naoki Urasawa, peut-être même plus vite que prévu d’ailleurs !

Kaisuke : Merci pour cette réponse exhaustive ! Je ne doute pas que tu continueras à t’épanouir dans ton art, que tu t’inspires ou non de mangas !

Me revoilà ! Grâce à un voyage dans le futur, je peux désormais affirmer que tu as fini par passer le pas du mariage entre perles Hama et mangas puisque tu as créé la couverture du manga Nako lors du Japan Tours Festival qui s’est déroulé du 28 février au premier mars ! :p

L’interview touche à sa fin ! J’en profite pour remercier une nouvelle fois Vincent pour son temps et pour ses réponses passionnément captivantes ! Je vous invite vivement à le suivre sur ses réseaux sociaux, Twitter et Instagram, pour ne louper aucune de ses créations.

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